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Noyer le poisson : pour vous faire mieux mordre à l’hameçon ?

Tanguy Brochier
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© Pixabay

L’une des techniques fréquentes utilisée par certains négociateurs ou vendeurs un brin manipulateurs, consiste à noyer le poisson. C’est à dire embrouiller et étourdir son interlocuteur dans un flot de paroles. Objectif : le faire céder, l’éloigner du sujet principal ou objectif caché. Une tactique qui semble certes caricaturale, mais pourtant fréquemment utilisée, heureusement facilement reconnaissable et contournable. Décryptage.

Nous connaissons tous cette expression devenue tellement commune dans le langage que l’on pourrait avoir tendance à en sous-estimer le réel impact manipulatoire. Définition du Robert : « donner volontairement des explications embrouillées pour empêcher la personne qui écoute de savoir la vérité. Il ne veut pas reconnaître son erreur, alors il a noyé le poisson ».

Dans son ouvrage consacré aux expressions les plus extravagantes de la langue française (Larousse), Catherine Mory souligne le fait que cette expression ne signifie en rien ce qu’elle dit, à savoir tenter l’impossible. « En effet, on ne peut défenestrer un oiseau ou ensevelir une taupe ! Noyer le poisson, c’est donc savoir embrouiller les choses pour escamoter une question ou un objectif ».

L’origine de cette expression remonterait à une technique de pêche visant à épuiser le poisson qui a mordu à l’hameçon en lui faisant faire des va-et-vient entre l’eau et l’air. Donc pour ce qui nous concerne : il s’agit « d’épuiser mentalement l’adversaire en détournant son attention sur des sujets neutres », voire anecdotiques, pour arriver à ses fins et ainsi « éviter les questions qui fâchent ».

Comment pour mieux vous ferrer, votre interlocuteur cherche à vous noyer. Par un discours fleuve dont vous aurez peine à remonter le courant d’informations et à appréhender les intentions réelles, par l’utilisation de termes techniques qui vous dépassent, d’un jargon pseudo scientifique/professionnel, de métaphores douteuses, voire de citations culturelles qui focaliseront votre attention, et dont l’abondance va peu à peu émousser votre acuité et votre sagacité.

Evitement, dissimulation, ou plus grossièrement empapaoutage, tout est bon pour votre interlocuteur pour vous amener à son objectif réel… Quelques parades :

  • En amont de la négociation : une excellente préparation incluant une parfaite connaissance des spécificités culturelles de l’interlocuteur (ex : le jargon ou le vocabulaire propre à l’entreprise), la maitrise des chiffres et des données contextuelles, etc. Histoire de ne pas s’en laisser raconter !
  • Durant la négociation : un rappel de l’ordre du jour et de l’objectif au début de la réunion, des questions fréquentes en cas d’incompréhension, une reformulation fréquente de ce qui est entendu et compris, un recadrage sur les objectifs si votre interlocuteur cherche à vous perdre dans des digressions inutiles.
  • Tout en gardant son sang froid et en restant courtois, ne pas hésiter à utiliser à une autre expression animale : « je vais appeler un chat, un chat, vous cherchez à noyer le poisson ! Concentrons-nous sur l’objet de cette rencontre ».

Que vous ayez à faire face à un requin, une anguille ou à un poisson clown, en identifiant clairement la stratégie de votre interlocuteur et au besoin en l’utilisant à votre avantage (comme au judo, on se sert de la force de l’autre), dans toute négociation où l’on cherche à vous noyer, vous serez tel un poisson dans l’eau, un poisson à qui, on ne la fait pas ! Bonne nage !

 

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