Et si les contes de fées servaient à autre chose qu’à endormir les enfants ou faire rêver les adultes ? Et s’ils étaient aussi des traités subtils d’art diplomatique et de stratégie de négociation ? C’est ce que suggère une lecture renouvelée du célèbre Chat botté de Charles Perrault, désormais vu non plus seulement comme un héros malicieux, mais comme un véritable maître en négociation.
Franck Baron, historien et chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), avait déjà amorcé cette réflexion en 2018 dans un article du magazine Sciences Humaines (n°307, « La diplomatie du Chat botté »). Aujourd’hui, d’autres chercheurs et essayistes prolongent cette interprétation tactique des contes de Perrault, comme en témoignent les travaux de Claude Habib (Charles Perrault : moraliste du merveilleux, Gallimard, 2021) ou encore les récentes analyses publiées dans la revue Raison publique sur la rhétorique et les narrations du pouvoir.
Dans cette perspective, le Chat botté n’est pas seulement un félin malin : il se révèle être un négociateur hors pair. Face à l’ogre, il ne recourt ni à la fuite ni à la confrontation. Il choisit au contraire le terrain de l’intelligence émotionnelle : flatterie, empathie apparente, usage stratégique de l’information. « Plus vous donnez d’informations, même erronées, plus vous désamorcez la méfiance de l’autre », analysait Baron. Cette tactique, proche de celle que les négociateurs contemporains appellent le partage stratégique, vise à désorienter l’interlocuteur tout en guidant ses décisions.
Comme le rappelle l’historienne Lucile Dumont dans Le Pouvoir des contes (PUF, 2022), Perrault, homme de cour et proche de Colbert, n’a pas écrit ses récits au hasard. Derrière les oripeaux merveilleux, se dissimule une pédagogie fine de la ruse, de l’influence et de la maîtrise des récits. Une diplomatie en habits d’apparat. « Les contes sont des outils de formation déguisés, explique l’historienne. Le Chat botté illustre parfaitement comment un langage maîtrisé, un timing juste et une capacité à se projeter dans les attentes de l’autre peuvent transformer une situation désavantageuse en triomphe. »
Alors, faut-il faire lire Perrault le soir de votre formation Scotwork en résidentiel ? Pourquoi pas ! Les bons contes, dit-on, font les bons enfants… Peut-être aussi les bons négociateurs ! Et ils permettent "d'endormir" ceux qui vous écoutent : la partie adverse ?