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L’aversion à la perte : une machine à perdre.

Xavier Debril
L’Aversion À La Perte Une Machine À Perdre
© Pixabay

C’est avéré et démontré, malgré nous, les biais cognitifs influencent nos décisions et nous mènent parfois à des décisions paradoxales notamment durant une négociation. Les identifier, c’est les reconnaitre et les reconnaitre, c’est ne pas laisser l’irrationnel l’emporter sur la logique. Ainsi, par exemple le biais des coûts irrécupérables qui nous pousse à nous accrocher à une mauvaise stratégie.

Définition : les coûts irrécupérables sont des coûts qui ont déjà été définitivement réglés et qui ne sont ni remboursables, ni récupérables par un autre moyen comme par exemple, lors d’une négociation. La traduction en anglais de ce terme est encore plus explicite : sunk cost. Un coût donc de nature à vous faire « couler » !  D’un point de vue rationnel, ces dépenses ne devraient pas peser dans nos choix et nos décisions, mais c’est là qu’intervient notre fameuse aversion à la perte. Plutôt que de faire une croix sur ce qui a été dépensé pour atteindre notre objectif, par entêtement, cette dépense va finir par se substituer à l’objectif lui-même et totalement polluer à notre détriment la négociation en cours.

Une célèbre illustration de ce biais cognitif : « l’erreur de jugement du Concorde » (« The Concorde fallacy »). Celle-ci fait référence à l’entêtement des gouvernements français et anglais à poursuivre ce projet, certes pour des raisons politiques et de prestige, mais aussi parce que des dépenses colossales avaient été engagées… Et pourtant était parfaitement admise que l’exploitation commerciale ne pouvait être rentable, tout cela dans un contexte d’annulation de commandes liées notamment au premier choc pétrolier.

Le biais des coûts irrécupérables a été ainsi étudié dans les années 80 par une équipe de psychologues américains. Ont été analysés les comportements de groupes d’abonnés à un théâtre. Il en ressorti que ceux qui avaient payé le plus cher leur abonnement se sont sentis plus souvent obligés de se rendre au théâtre que ceux qui l’avaient payé moins cher. Toujours cette aversion à la perte qui nous pousse à accorder plus de valeur à une perte qu’à un gain.

Celle-là même qui poussera à un joueur de Casino à rester à sa table en espérant rattraper ses mises perdues, à assister jusqu’au bout à un spectacle qui nous ne plait pas sous prétexte que nous l’avons payé, à prolonger des études qui ne nous plaisent pas au motif que nous y avons déjà investi du temps…

Toute négociation nécessite une solide préparation. Derrière cette lapalissade se cache un investissement temps, énergie, financier, etc., généralement conséquent. S’ils sont certes imputés dans notre proposition budgétaire, jusqu’où peuvent-il influer nos décisions dans les échanges en cours ? Vaut-il mieux un mauvais accord qui en tienne compte ou un accord satisfaisant sur du long terme ? Est-il utile de prolonger une discussion qui mène de toute évidence à une impasse parce que l’on s’obstine à récupérer une mise déjà perdue ?

Vos interlocuteurs peuvent aussi jouer sur ces coûts irrécupérables pour vous pousser à un mauvais accord. Tout négociation exige de rester lucide sur tout ce qui pourrait la biaiser, y compris en vous-même.

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